En 1978, Ian Wilson proposait que le linceul de Turin était en fait plié de tel façon que seul le visage apparaissait. Ce pliage permettait de faire correspondre le saint suaire à une relique connue depuis le VIe Siècle à savoir l'image d'Edesse également appelé Mandylion. La légende du roi Abgar qui parle de cette image, ferait remonter la "fabrication" de celle-ci par le Christ lui-même. Cette hypothèse ferait donc remonter le linceul de Turin au 1er siècle en faisant de ce tissu un linceul authentique.
Nous allons donc voir dans cette analyse, si quand on remet les textes dans leur contexte d'écriture historique, politique et surtout religieux, ces textes ne raconteraient pas une autre histoire à savoir que cette relique et toute cette légende auraient été "inventée" par l'église d'Edesse au début du Christianisme. Ainsi le linceul de Turin ne pourrait être le Mandylion.
De Sébastien Cataldo, le 10 janvier 2017
Avec ces livres, vous allez connaître toutes les bases des études sur :
- Le Tome 1 – Les évangiles, vous pourrez lire une synthèse théologique couvrant l’analyse des quatre évangiles au regard de leur correspondance possible avec le linceul de Turin… qu’il soit authentique ou non.
- Le Tome 2 - L’histoire, vous allez savoir si ce linceul peut être historiquement daté du Ier siècle.
- Le Tome 3 - la médecine, vous découvrirez ce que les médecins légistes ont déclaré quand ils ont examiné les blessures de l’homme du linceul.
- Le Tome 4 - la science, vous aurez toutes les connaissances requises pour comprendre les découvertes scientifiques les plus importantes et la controverse de la datation au carbone 14.
Alors, ne ratez pas les dernières découvertes et téléchargez les 4 livres gratuits.
Sommaire :
1 - Introduction sur l'hypothèse du Mandylion
2 - Point 1 : Le contexte politique et religieux de l'écriture de la légende d’Abgar.
3 - Point 2 : Pourquoi un portrait du Christ n’apparaît dans l’histoire qu’au début du Ve siècle ?
6 - Point 5 : Le Mandylion et les reliques de la Passion.
Ces textes sont soumis à copyright. Merci de ne pas les recopier sans autorisation.
Cet exposé a été présenté durant la conférence de St Louis, USA, en Octobre 2014.
C'est un résumé d'un livre qui devrait paraître avant la fin de l'année 2017.
Le Mandylion Ou l’Histoire d’Une Relique Faite de Main-d’Homme.
© Tous droits réservés - Sébastien Cataldo
En collaboration avec Yannick Clément
SHROUD OF TURIN
The Controversial Intersection of Faith and Science - International Conference
St. Louis, Missouri - October 9 - 12, 2014
Depuis de nombreuses années, des historiens ont tenté de trouver la trace du linceul de Turin dans des documents historiques, avant son apparition à Lirey aux alentours de 1357.
Une hypothèse à ce sujet a retenu l’attention, celle proposée par Ian Wilson en 1978.
Ian Wilson propose que le portrait du Christ apparue dans la ville d’Édesse aurait été le linceul de Turin plié de telle sorte que seul le visage apparaissait. Cette image était vénérée à Édesse comme une image miraculeuse du visage du Christ. Puis, après son arrivée à Constantinople en 944, un très petit nombre de « privilégiés » aurait découvert sa véritable nature de linceul funéraire portant une image sanglante et complète du corps de Jésus. Plus tard, toujours à Constantinople, le tissu aurait été déplié et exposé en tant que véritable linceul du Christ, avant de disparaître en 1204, lors du sac de Constantinople par les croisés latins. Ce serait ce même linceul qui serait apparu vers 1357 à Lirey en France.
Voici d’ailleurs une image qui montre à quoi pouvait ressembler l’image d’Édesse, dans le cas où l’hypothèse de Ian Wilson serait juste :
Le problème majeur de cette hypothèse est qu'elle ne tient pas compte de l'évolution de la légende d’Abgar, qui se fera toujours en fonction des différents contextes politiques et religieux de chaque époque.
Au départ, l’image d'Édesse tire son origine de la légende d‘Abgar V, qui était roi d'Édesse au temps du Christ.
Pour qui ne connaîtrait pas cette légende, en voici un court résumé dans sa version la plus « récente » :
« Abgar était affligé d’une maladie de la peau et aurait envoyé une lettre au Christ, afin que ce dernier vienne à Édesse pour le guérir. La réponse de Jésus se fait par lettre. Il lui dit qu’il ne peut se rendre à Édesse mais lui promet de lui envoyer un des ces apôtres pour le guérir et lui enseigner l’Evangile. Il lui fait parvenir également l’image de son visage miraculeusement imprimée sur un tissu après qu’il se soit essuyé le visage avec. Cette image guérira le roi et servira de protection contre les ennemis d’Édesse. »
Comme on le verra, la légende d'Abgar et l’image d'Édesse évolueront au cours des siècles. Ces évolutions se feront toujours parallèlement aux questions se rapportant aux dogmes sur les natures humaine et divine du Christ promulgués par l'Église universelle et à l’importance grandissante que prendront les reliques à Édesse puis à Constantinople pour les pouvoirs politique et religieux.
Enfin, nous proposerons une nouvelle piste de réflexion pour savoir si le linceul de Turin pouvait se trouver à Constantinople avant 1204.
Cette présentation est le court résumé d'un article complet qui sortira courant 2015 où vous pourrez retrouver toutes les références cités ici et bien plus encore.
Cet article est basée sur les recherches et les articles d’historiens de renom.
Cet article est écrit en collaboration avec Yannick Clément.
Édesse était un petit royaume indépendant fondé par les Nabatéens dans l’actuelle Turquie. Il faut attendre 202 pour que ce royaume devienne officiellement chrétien, avec la conversion de son roi, Abgar IX.
Il y avait cependant à Edesse de nombreux courants chrétiens dès la fin du IIe siècle. À cette époque, le christianisme commençait à réunir les textes relatifs à sa doctrine, mais les débats théologiques et les questions posées sur la nature du Christ, constituaient un terreau fertile pour l’émergence de nouvelles « hérésies ».
Dans ce contexte, les églises apostoliques qui furent directement fondées par les apôtres les plus importants, comme celles de Rome ou d’Antioche, faisaient office de référence en ce qui concerne la doctrine chrétienne considérée comme sûre et authentique.
En conséquence, avoir une église fondée par un des disciples directs du Christ permettait ainsi à son évêque de faire autorité face aux autres courants de pensée chrétiens. Pour l’Église d’Édesse, il était donc important de consolider sa place au sein du monde chrétien et le meilleur moyen pour ce faire était certainement de faire remonter l’évangélisation de la ville à la période apostolique.
C’est dans ce contexte de tumulte religieux qu’apparaît à Édesse, fort probablement à la fin du IIIe siècle, la légende du roi Abgar.
La version écrite la plus ancienne de ce texte qui nous soit parvenue est celle d’Eusèbe , évêque de Césarée, qui, au début du IVe siècle, raconte l’histoire d’Abgar V, roi d’Édesse et contemporain du Christ, de sa guérison miraculeuse et de sa conversion par Addaï , un disciple envoyé par Jésus après sa résurrection et son ascension aux Cieux. Pour raconter cette légende, Eusèbe se base sur des documents syriaques qu’il aurait consultés directement dans les archives de la ville et dont il donne une traduction en grec. Dans ces documents se trouvait, selon Eusèbe, une authentique lettre du Christ au roi Abgar, qu’Addaï lui aurait donné.
« Le Roi Abgar étant atteint d'une terrible maladie ... il envoya un message à lui (Jésus) par un « courrier » et le pria de venir guérir sa maladie. Mais Jésus ne put à ce moment là se conformer à cette demande; cependant Jésus lui répondit par une lettre dans laquelle il lui dit qu'il enverrait un de ses disciples pour guérir sa maladie, et en même temps il promis le salut pour le Roi et toute sa maison. Peu de temps après sa promesse fût remplie. Car, après sa (Jésus) résurrection d'entre les morts et son ascension au ciel, Thomas, l'un des douze apôtres, sous l'impulsion divine, envoya Thaddeus, qui a également été compté parmi les soixante-dix disciples du Christ, à Edesse, en tant que prédicateur et évangéliste de l'enseignement de la Christ. »
Mais la construction même du récit et les termes utilisés par son auteur, de même que la théologie contenue dans la légende d’Abgar, indiquent qu’elle s’inspire largement des Évangiles canoniques, ce qui en fait certainement une histoire apocryphe et sans fondement historique au niveau des éléments singuliers qu’elle contient.
Voici quelques indices qui permettent de l’affirmer :
1 - l'exploitation du thème concernant le temps après la résurrection du Christ où il agira tout en étant absent, à travers, entre autre, l’envoi en mission de ses disciples. Selon la légende d’Abgar, l’apôtre Addaï était l’un d’entre eux. Il guérira le roi d’Édesse et le convertira par la suite, lui, ainsi que tout son royaume.
Le Christ, dans sa lettre, dit au roi Abgar : « Quand j'y serai (dans le Royaume de Dieu), tu recevras de moi un de mes disciples qui te guérira de ton mal et le donnera la vie, à toi et à tous ceux qui sont avec toi. »
2 - l’exploitation du thème de croire sans voir.
Le Christ, dans sa lettre, dit au roi Abgar : « Tu es bienheureux, puisque tu as cru en moi sans m'avoir vu »,
3 - l’exploitation du thème de voir sans croire.
Le Christ, dans sa lettre, indique : « ceux qui m'ont vu ne croiront pas en moi ».
D’autre part, on retrouve aussi dans la légende d’Abgar des thèmes qui reflètent la lutte de l’Église d’Édesse contre certains courants hérétiques, comme par exemple :
- la lutte contre les Bardesanistes, qui étaient des gnostiques qui niaient la résurrection de la chair :
La légende d’Abgar précise le temps où Addaï fut envoyé vers le roi : « Après la résurrection de Jésus d'entre les morts et son Ascension au ciel ».
- ou contre les Manichéens:
Dans la légende d’Abgar, le nom d’Addaï, qui est l’apôtre envoyé par Jésus pour guérir le roi, est aussi le nom d’un véritable missionnaire manichéen qui faisait des miracles.
Mani, le fondateur de la secte, écrivit également une lettre à la ville d’Édesse, tout comme Jésus, qui envoi une lettre à Abgar, et les adeptes de Mani vénéraient son portrait peint, tout comme on verra apparaitre dans la légende, au tout début du Ve siècle, le thème du portrait peint du Christ envoyé au roi par Addaï.
La convergence de ces multiples facteurs fait vraiment penser à une invention de l’Église d’Édesse, afin de lutter plus efficacement contre les manichéens et son fondateur .
Une dernière remarque importante : Lorsqu’Eusèbe écrit son récit, il indique avoir déjà vu dans certaines villes des images peintes du Christ et des apôtres, mais il n’y a aucune trace d’un portrait de ce genre dans sa traduction de la légende d’Abgar. Preuve qu’un tel portrait n’existait pas à Édesse à cette époque.
Voici le récit qu’en fait Eusèbe : « Nous avons vu aussi que les images des apôtres Pierre et Paul et du Christ lui-même étaient conservées dans des tableaux, peints. » .
Il y a donc dans cette légende, une volonté d’affirmer une filiation apostolique de l’Eglise d’Édesse par l’entremise de l’apôtre Addaï, soi-disant disciple du Christ, envoyé par lui pour guérir le roi et évangéliser toute la ville, de même que les traces de la lutte qu’elle menait face aux nombreuses hérésies chrétiennes à l’époque de l’invention de la légende, soit à la fin du IIIe siècle.
À la fin du IVe siècle, sur la route pour la Terre Sainte, une pèlerine connue sous le nom d’Égérie visite Édesse. Elle découvre que dans la lettre du Christ à Abgar, Jésus « avais promis que jamais un ennemi n'entrerait dans la ville ».
Cet ajout ultérieur qui n’était pas dans le texte primitif vu par Eusèbe est très probablement dû au fait qu’au moment où Égérie écrivit son récit, Edesse n’avait jamais été envahie par les Perses, alors que ces derniers avaient conquis d’autres territoires chrétiens, tel que l’Arménie en 350. On peut noter également que dans la version d’Eusèbe, c’est Abgar qui est béni par le Christ. Le transfert d’une bénédiction personnelle de Jésus adressée au roi à une promesse de protection concernant toute la ville s’est effectué progressivement au fil du IVe siècle. Cette promesse divine fera la renommée d’Édesse dans tout le Moyen-Orient.
D’autre part, durant le Concile de Constantinople tenu en 381, soit à peu près à la même époque que la rédaction du récit d’Égérie, le dogme des deux natures du Christ, humaine et divine, est proclamé, condamnant ainsi les hérésies qui niaient l’une ou l’autre de ces natures.
Et c’est quelques années plus tard, au tout début du Ve siècle , que l’on vit apparaitre dans le texte portant le titre « La doctrine d’Addaï, l’apôtre », un nouvel ajout important à la légende d’Abgar : un portrait peint du Christ.
Voici le texte qui nous concerne :
« Hannan n'était pas seulement archiviste, il était aussi peintre du roi. Voyant donc Jésus lui parler ainsi, il fait avec des couleurs choisies le portrait du Sauveur, et revient vers son maître auquel il le remet, en lui faisant une fidèle relation de ce que Jésus lui a dit, car il avait eu soin d'écrire ses paroles. Abgar reçoit l'image avec grande joie, et la place fort honorablement dans un de ses palais. Après l'Ascension du Sauveur, Judas Thomas envoie vers Abgar l'apôtre Addaï, un des soixante-douze disciples.»
Ce qui importe de retenir ici, c’est que ce peintre exécute ce portrait « avec des couleurs choisies le portrait du Sauveur », et ceci bien avant la Passion du Christ , ce qui démontre la nature artistique du portrait, montrant un Christ bien vivant, avec les yeux ouverts et n’affichant aucune blessure ou tache de sang.
Pour justifier cette nouveauté, l’archiviste qui transmet simplement la lettre d’Abgar à Jésus dans la version originale de la légende, est transformé par l’auteur de la « Doctrine d’Addaï » en un personnage plus important, se montrant digne de cette tâche, tout en provenant directement de la cour du roi. Il n’est donc plus un simple « archiviste » selon le texte primitif vu par Eusèbe, mais il « est aussi », voici la nouveauté, le peintre officiel du roi.
Dans le contexte post-concile de Constantinople de l’époque où fut écrit ce récit, il semble plus que probable que le portrait en question fut inventé et utilisé par l’Église d’Édesse pour contrer les hérésies en place grâce à ce soi-disant portrait authentique du Christ le montrant sous un aspect tout à fait humain, ce qui pouvait facilement être vu comme étant une « confirmation » inattaquable du dogme des deux natures du Christ, et particulièrement de celui concernant sa nature humaine, qui était niée par plusieurs groupes gnostiques à cette époque.
Le portrait peint, qui se trouvait à Édesse, n’était pas considéré comme ayant été créé de manière miraculeuse, ni comme ayant des « pouvoirs protecteur ». C’est en revanche la lettre du Christ contenant sa bénédiction sur la ville qui, selon la croyance populaire, expliquera la défaite des Perses contre Édesse en 503 , 540 et 544 .
Peu avant 550, l’historien byzantin Procope de Césarée , confirmera ce fait pour l’attaque de 544 .
Ceci est important pour notre analyse, car son récit est de nature descriptive et non légendaire.
Pourtant, l’historien Évagre , à la fin du VIe siècle , soit plusieurs années après Procope, décrit lui aussi cette même attaque des Perses de 544, mais avec l’ajout d’un détail important concernant le portrait du Christ.
Pour lui, la victoire est attribuée à l’image d'Édesse, qui est « l'image qui n'a point été faite par la main des hommes ».
Ce nouvel ajout dans la légende d’Abgar a été rendu possible grâce à la combinaison de plusieurs facteurs déjà existants :
- La protection divine accordée à la ville par le Christ contenu dans sa lettre à Abgar est « transférée » au portrait exposé à Édesse, qui fut dès lors considéré comme un « palladium » pour la ville.
- Un événement particulier survenu durant le combat et décrit dans le récit de Procope pouvait être attribué à Dieu et donc à l’image : l’eau qui ranime le feu « avec une plus grande activité que l'huile n'aurait fait ».
- L’attribution d’un miracle faite par une image du Christ pouvait paraître crédible, car en 503 , dans la ville d’Amid, située près d’Édesse, un autre portait du Christ avait « livré aux Perses la ville à cause de ses pêchés », fournissant ainsi un précédent.
- Enfin, on connaissait déjà une image miraculeuse dans la ville de Kamuliana à la fin du VIe siècle et qui avait été transféré à Constantinople en 574. À la suite de ce transfert, la victoire des Byzantins contre les Perses fut attribuée à cette image, explicitement décrite comme « faite par miracle, et sans l'art ni des Brodeurs, ni des Peintres » . Cette image a donc servi de précédent pour faciliter la mise en place de l’image « non faite de main d’homme » d’Édesse.
Au passage, un témoignage vient contredire l’hypothèse parfois formulée d’une découverte de l’image d'Édesse au moment de l’écroulement d’un des murs d’enceinte de la ville pendant l’inondation de 525. En effet, avant 439 , un témoin oculaire vient dans la ville « surtout pour être bénis par l’image du Christ qui était là…» .
Avant tout, l’introduction d’une image miraculeuse du Christ se trouvant à Édesse était certainement une tentative d’unir les points de vue des différents courants religieux chrétiens sur la nature du Christ. L’image devait pouvoir être interprétée par tous selon leurs propres croyances . Ainsi, en passant d’un portrait peint à une image miraculeuse faite par le Christ lui-même, l’image d’Édesse jouait un rôle capital d’unification pour l’Église et aussi pour l’Empire Byzantin.
Et c’est dans le récit des Actes de Thaddée, un texte sur la légende d’Abgar écrit en grec au VIIe siècle , qu’on découvre comment l’image « non faite de main d’homme » aurait été créée.
Il est indiqué que Jésus s’est essuyé le visage avec un linge et que son image s’est aussitôt imprimée dessus de façon miraculeuse :
« Étant donné que le Seigneur connaît les secrets et examine nos cœurs, il était au courant des désirs d’Ananias (l’artiste que le roi Abgar envoya à Jérusalem pour faire un portrait du Christ. Variante du nom Hanan). Il demanda à se laver et après l’avoir fait, un linge plié « quatre fois double » (ou tetradiplon) lui fut donné et il essuya son divin visage avec. Son divin aspect et sa divine forme s’était imprimé sur le linge de lin et, ensuite, il le donna à Ananias en disant : Va et donne ceci à celui qui t’a envoyé. »
Mais pour arriver à modifier la légende, il fallait passer d’un portrait peint sur une planche à un tissu miraculeux, sans forcément changer ce que l’on connaissait de l’aspect de l’image ou de sa forme.
Dans une seule version des Actes de Thaddhée, c’est le mot « tetradiplon » qui est utilisé pour décrire ce tissu. Dans les autres versions, on parle plutôt de « bande d’étoffe » ou de « mouchoir ».
Le terme « tetradiplon » est composé des deux éléments suivants : le mot « quatre » et l’expression « plié en deux » .
Concernant le préfixe « quatre » :
Un texte arabe du Xe siècle nous éclaire sur un détail important concernant la traduction, à partir du syriaque, d’un mot en lien avec l’aspect de l’image :
« Hannan, qui était peintre…pris une planche carrée et y peignit Notre-Seigneur le Christ, qu'il soit glorifié, en jolies et belles couleurs. »
Le mot « carrée » en arabe possède la même racine syriaque que « quatre » . Donc, le traducteur grec des Actes de Thadée a repris le même terme syriaque utilisé par cet auteur arabe, mais cette fois en le traduisant par « tetra » (quatre) au lieu de « carrée ». Le grec et l’arabe traduisant le même terme syriaque, on peut aisément pensé que le support de l’image ou l’image elle-même était « carré ».
Ensuite, il est fort possible que le tissu utilisé comme nouveau support à l’image a pu être plié en 2 ou plié 2 fois pour être plus facilement insérer dans l’ancien reliquaire carré.
De cette façon, la forme carrée de l’image d’origine pourrait être respectée, tout en reposant maintenant sur un nouveau support assez grand pour faire office de linge pouvant avoir été utilisé par le Christ pour s’essuyer le visage.
Enfin, on peut également supposer que ce tissu était plié en « tetradiplon » AVANT que Jésus le prenne pour s’essuyer le visage et non APRÈS. En effet, le texte n’est pas suffisamment précis pour permettre de trancher la question. Ce qui signifie que ce linge pouvait avoir plusieurs plis et être de taille réduite mais suffisante une fois déplié pour être utilisé par le Christ.
Au fil des siècles , on découvrait des images du Christ qui se mettaient à saigner à la suite d’une agression. Mais à chaque fois, une portée théologique est donnée à l’incident. C’est le cas de la plus célèbre, l’image de Beyrouth, qui fût utilisé contre les iconoclastes au second concile de Nicée en 787 .
Selon cette légende , des Juifs de Beyrouth outragèrent une image du Christ quand ils « lui clouèrent les pieds et les mains, lui percèrent le côté d’un coup de lance. Aussitôt du sang et de l’eau se mirent à couler. » L’image de Beyrouth devait donc représenter le corps entier du Christ avec des tâches de sang.
« Les juifs de Beyrouth…outragèrent l’image du Christ, ils lui clouèrent les pieds et les mains, ils lui passèrent sur la bouche une éponge imbibée de vinaigre et, enfin, ils lui percèrent le côté d’un coup de lance. Aussitôt du sang et de l’eau se mirent à couler… »
C’est dans ce contexte que le Codex Vossiamus Latinus du Xe siècle introduit une variante unique dans la légende d’Abgar : Le Christ envoie au Roi Abgar une serviette où se trouve, non pas uniquement son visage, mais l’aspect de son corps en entier.
« Si tu désires voir physiquement ma personne, je t'adresse cette serviette sur laquelle tu pourras voir non seulement l'aspect de mon visage, mais l'état, imprimé miraculeusement, de tout mon corps. »
En fait ce codex contient plusieurs feuillets, dont certains traitent :
- de la légende d’Abgar, traduite à partir d’écrits syriaques du VIIIe siècle
- de la légende de l’image de Beyrouth.
Dans ce codex, la variante concernant l’aspect de l’image d’Édesse avait alors sans doute une portée théologique et a dû être influencé par l’image de Beyrouth. En fait, dans ce codex du Xe siècle, nous retrouvons tous les éléments nécessaires pour appuyer et défendre les dogmes de l’Église dans sa lutte contre les iconoclastes : Le corps entier du Christ introduit dans la légende d’Abgar afin de faire référence au dogme de l’Incarnation, le sang et l’eau issus de l’icône de Beyrouth pour signifier l’Eucharistie et le Baptême , l’image miraculeuse du visage faite par Jésus lui-même pour affirmer la divinité du Christ et le tout issu d’icônes pour affirmer l’importance de leur rôle dans la pratique religieuse.
En 944, l’image d'Édesse passe entre les mains de l’empereur de Constantinople, Romain Lécapène Ier. On peut parler désormais du Mandylion.
À la fin du XIIe siècle, il existe encore deux traditions expliquant l’origine de l’image d’Édesse, mais la plus utilisée est celle où le peintre envoyé par le roi Abgar ramène le linge « miraculeux » où seul le visage apparaît.
« Car le Très Puissant, transformant cet embarras en aisance et facilité, fait venir le peintre, réclame de l'eau et s'en asperge le visage. Lui son créateur. Il prend un linge pour s'essuyer, et y imprime immatériellement — miracle !— la forme que la main n'a pas faite…»
À cette époque, un nouvel ajout important est fait à la légende, alors que sur le trajet qui mène la relique d’Édesse à Constantinople, une réplique exacte de l’image se serait imprimée miraculeusement sur une tuile .
«…la réplique de l'image vient s'imprimer sur l'une des tuiles, réplique spontanée, sans intervention de la main, sans recours au dessin.... »
« Oh puissance du modèle, puisqu'il donne à la tuile aussi ses couleurs ! »
De plus, les descriptions des pèlerins ayant vu la « relique » en céramique par la suite à Constantinople nous indiquent que seul le visage apparaissait sur celle-ci et qu’il était en couleurs !
Vers la fin de ce même récit du XIIe siècle, quand le roi Abgar voit l’image et la tuile pour la première fois, il pense que c’est Jésus en personne qu’il voit.
« Il pense voir là une apparition divine, et, sous le rocher — la tuile — il contemple la face de Dieu... Il pense que c'est Jésus en personne qui est venu chez lui et qu'à travers ces symboles c'est le Dieu homme tout entier qu'il reçoit ; ou bien, que la tuile de terre et la transparente finesse de l'étoffe lui donnent de s'émerveiller devant Ses deux natures. »
Mais dans ce récit, le terme utilisé « Dieu homme tout entier », renvoi encore une fois au dogme de la double nature du Christ, d’autant plus que l’auteur rajoute qu’Abgar s’émerveille devant « ses deux natures ». Il ne convient donc pas d’affirmer que c’est le corps entier de Jésus qui se trouve sur le Mandylion, étant donné que ce récit possède de toute évidence une nature hautement théologique. D’ailleurs, les termes employés sont ceux utilisés pendant les offices liturgiques et servent principalement à décrire l’Incarnation et la divinité de Jésus, ils n’ont pas été écrit pour décrire « physiquement » l’image.
Dans tous les textes de pèlerins visitant les divers lieux de cultes de Constantinople et les reliques qui y étaient conservées , le Mandylion n’est jamais associé à un linge sépulcral ou aux autres reliques de la Passion, tandis que plusieurs récits mentionnent bel et bien, de façons séparés, un ou des linges pouvant être associés au tombeau vide. À noter également que dans plusieurs récits, on mentionne la tuile en association avec le Mandylion, les deux reliques étaient conservées côte à côte, dans un même lieu.
Voici d’ailleurs quelques exemples de ces récits de pèlerins :
« La couronne d’épines, le manteau, le fouet, le bâton, l’éponge, le bois de la croix de Notre Seigneur, les clous, la lance, le sang, la robe, la ceinture, les sandales, le linge et le suaire de la mise au tombeau. » - Pèlerin anonyme anglais du XIe siècle.
Et plus loin : « l’Image d’Édesse du Christ, 2 céramiques en argile, la bassin en marbre du Seigneur et un autre plus petit,... » - Nicolas Mesarites entre 1200/1201
« Le Législateur lui-même dessiné comme dans une première empreinte, imprimé sur la serviette et ciselé dans la céramique fragile comme dans un art graphique non élaboré par la main… » - Nicolas Mesarites entre 1200/1201
« Il y avait deux riches reliquaires d’or qui étaient suspendus dans la chapelle à deux grosses chaînes d’argent; dans l'un il y avait une tuile, et dans l'autre une toile. » - Robert de Clari 1203
Puis en 1200 , le gardien des reliques de la chapelle du Phare, Nicolas Mesarites, situées à l’intérieur du palais de l’empereur, décrit parmi d’autres linges funéraires associés au Christ, un linceul qui semble porter une image de son corps entier, car il s’assure de mentionner sa nudité, ce qui est une chose fort étrange dans les circonstances :
« Les linges funéraires du Christ, ils sont en lin… car ils ont enveloppé après la passion l'incompréhensible mort nu enduit de myrrhe. » - Nicolas Mesarites entre 1200/1201
Enfin, nous avons le témoignage oculaire du chevalier français Robert de Clari qui décrit une visite de Constantinople qu’il fit en 1203 au court de laquelle il vit très nettement un linceul funéraire portant distinctement l’image complète du corps du Christ et qui était exposé une fois par semaine à cette époque dans l’église Notre Dame des Blachernes.
« …le linceul où Notre-Seigneur fut enveloppé, et qui chaque vendredi était dressé tout droit, si bien qu’on pouvait y voir distinctement la représentation de Notre-Seigneur. » - Robert de Clari 1203
Mais lors du sac de Constantinople de 1204, ce linceul portant l’image du Christ aurait disparu, toujours selon Robert de Clari.
« …personne, ni Grec, ni Franc, n’a su ce qu’il (le linceul) devint quand la ville fut prise. » - Robert de Clari 1203
Il ne dit rien par contre sur le destin du couple Mandylion/tuile, ce qui est normal, puisqu’en 1207, le gardien des reliques de la chapelle du Phare, Nicolas Mesarites, énumère de nouveau le trésor s’y trouvant et qui n’avait, de toute évidence, pas été volé par les croisés en 1204. On y retrouve notamment la couronne d’épines, le Mandylion et la tuile.
« …la croix et l’appui des pieds sont ici. On présente la couronne tressée d’épines, l’éponge, la lance et le roseau… L’indescriptible, celui qui est apparu parmi nous à la ressemblance de l’homme, dessiné comme dans une première empreinte, imprimé sur la serviette et ciselé dans la céramique fragile comme dans un art graphique non élaboré par la main. » - Nicolas Mesarites en 1207
On sait que ces reliques présentent à la chapelle du Phare, où se trouvait le Mandylion et la tuile, seront vendues plus tard à Saint Louis. En effet, Boniface de Montferrat, un chef croisé, s'empressa d'occuper la zone du Palais, où se trouvait la chapelle du Phare et les reliques purent être ainsi préservées du pillage de la ville, pour ensuite passer en toute sécurité entre les mains du nouvel empereur latin, Baudouin II.
Ce ne fut cependant pas le cas de l’église Notre-Dame des Blachernes, où se trouvait à cette époque le linceul du Christ vu par Robert de Clari , car elle se situait en dehors du palais impérial .
Le Mandylion, une fois arrivé à Paris, sera exposé dans le trésor royal de la Sainte Chapelle où, comme bon nombre de reliques et autres objets de culte, il disparaitra définitivement après 1789, lors de la Révolution Française.
Nous avons vu que l’hypothèse d’un linceul de Turin plié pour être vénéré en tant qu’image du visage seul ne pouvait correspondre à la nature même de ce linceul : pas de trace de sang, pas de corps entier, invention d’une légende et évolution de celle-ci en fonction des dogmes de l’église, avec ajout tardif d’une nature miraculeuse associée à cette image.
En considérant ces faits, si l’on veut confirmer une éventuelle existence historique du linceul de Turin avant le Moyen-Âge, il serait peut-être plus simple de supposer qu’à un certain moment de l’histoire, ce tissu ait été considéré et vénéré comme sa vraie nature le supposait, à savoir un linceul mortuaire portant des traces de sang, avec peut-être une image corporelle visible. Cette image, si elle était bel et bien visible à cette époque, pouvait également être considérée au départ comme une icône ou une image peinte du Christ.
Une piste permet de faire un lien entre une ancienne tradition Orthodoxe et le linceul de Turin. C’est la piste des « epitaphios ».
Actuellement, les « epitaphios » sont des tissus brodés ou peints représentant la mise au tombeau du Christ avec une image du dépôt de son cadavre dans son linceul funéraire. Ils reposent sur l'autel des églises Orthodoxe le soir du Samedi Saint jusqu’à la veille de l’Ascension. Étant donné la grande similitude entre l’image du Christ se trouvant sur ces tissus et l’image corporelle qu’on voit sur le linceul de Turin, on peut émettre l’idée que celui-ci ait pu servir de principale source d’inspiration à cette tradition liturgique.
Bien qu’il soit difficile de retracer la tradition des « epitaphios » dans le rite Byzantin avant le début du XIIIe siècle, il faut tout de même noter qu’on trouve la trace de célébrations de messe sur des images de Saints au IXe siècle ou sur des autels portatifs parfois en lin lorsqu’on devait célébrer la messe en dehors d’une église. Plus tard, au XIIe siècle , ces tissus appelés « antimension » seront utilisés pour consacrer l’autel dans les églises nouvellement bâties.
Nous avons donc ici une tradition ancienne qui permettait de célébrer la messe sur un tissu de lin assez grand pour recouvrir un autel.
Maintenant, connaît-on un linge qui a pu être vénéré en tant qu’authentique linceul du Christ et, si oui, portait-il une image ?
Un témoignage écrit nous informe que dès le VIIe siècle à Jérusalem, on faisait la vénération d'un linceul du Christ d’environ 2m20 de long, mais sans qu’il soit fait mention d’une image. De plus, dans le même récit, on parle également d’un autre tissu plus long : « Sur ce linge sont brodées certaines représentations des douze apôtres, et on y voit représentée une image du Seigneur lui-même. D'un côté ce linge est de couleur brun foncé, et de l'autre, en une certaine partie, de couleur verte » . On retrouvera ce type de représentation sur des « epitaphios » plus tardif, où le corps du Christ est allongé et entouré des représentations symboliques des quatre évangélistes Matthieu, Marc, Luc et Jean. Grâce à ce témoignage oculaire, on s’aperçoit que la vénération d’un linge de grande taille avec une image du Christ pouvant s’apparenter à son linceul funéraire, avait commencé à apparaître à Jérusalem au moins à partir du VIIe siècle.
En 944, lorsque le’image d'Édesse arrive à Constantinople, un récit décrit la relique. Dans son discours très fortement apologétique, Grégoire le Référendaire explique que l’image du Mandylion a été produite avec les gouttes de sueurs d’agonie du Christ et, selon les traductions , une autre image a été produite par les gouttes de sang de son côté. Le texte n’est pas assez descriptif pour identifier cette autre relique, mais l’auteur semble bien faire la différence entre deux reliques situées dans deux lieux différents.
À partir de là, on peut comprendre pourquoi les récits de pèlerins visitant Constantinople feront toujours distinctement la différence entre le Mandylion, linge arborant une image faciale qui aurait été faite du vivant du Christ, et un ou des linceul(s) du Christ, dont un, aurait porté des traces de sang et une image complète de son corps.
Au Xe siècle, pendant les cérémonies religieuses à Constantinople, les empereurs suivaient un cérémonial bien précis pour se rendre à l’église de Sainte Sophie.
Par exemple, le protocole voulait qu’ils embrassent chaque nappe de chaque autel quand ils traversaient l’église de la Néa. Ce protocole était aussi en vigueur, notamment à Sainte Sophie pendant la fête de l’Orthodoxie, souvenir du rétablissement du Culte des images en 843.
D’autre part, en 945 , durant leur parcours, le cortège impérial s’arrêtait dans plusieurs bâtiments et églises du Palais Impérial, et dans l’un d’eux, on trouvait spécialement suspendu sous une grande croix, « l’image des Perses » autrement dit, l’image d'Édesse qui était arrivée un an auparavant à Constantinople. Puis, arrivé à la grande église Sainte Sophie, dans le sanctuaire réservé aux patriarches, derrière des grilles où se trouve l’autel appelé « la Sainte Table », car c’est là qu’on y dépose les calices et les patènes, les empereurs doivent s’incliner et « baisent l’image de la sainte nappe, que le patriarche soulève et qu’il présente aux souverains pour qu’ils la baisent » .
Nous avons donc ici un tissu suffisamment grand pour couvrir l’autel, un tissu assez important pour être spécialement réservé à l’autel du sanctuaire de Sainte Sophie, et que le patriarche présente à l’empereur pour qu’il embrasse l’image qui s’y trouve.
Cette image devait être très spéciale, car durant la querelle entourant les images religieuses du VIIe siècle , l’église de Sainte Sophie était dirigée par les iconoclastes, contrairement à l’église Notre Dame des Blachernes. De ce fait, « embrasser » une image sur l’autel de Sainte Sophie après cette période trouble, devait conférer à cette image une certaine importance et une symbolique forte. Comme celle-ci était déposée sur cet autel qui représente le sacrifice du Christ, on peut supposer, sans toutefois pouvoir l’affirmer de façon catégorique, que cette image représentait un Christ mort allongé après la descente de la croix.
Un autre document permet de faire le lien entre le linceul de Turin et l’iconographie des « epitatphios ». C’est le codex de Pray, qui date de la fin du XIIe siècle. Sur un des dessins contenus dans ce document, on y voit le corps du Christ être préparé pour l’onction, puis sur un autre dessin, on y voit un ange designer ce qui ressemble à un tombeau ouvert et vide après la résurrection.
Il faut d’abord bien comprendre que le but du dessinateur était d’illustrer le thème de la mise au tombeau du Christ, en s’inspirant peut-être du linceul du Christ qu’il avait vu lui-même à Constantinople, ainsi que des différentes traditions iconographiques qu’il devait connaître. De toute évidence, son but n’était pas de faire une copie exacte des objets et tissus qu’il a pu voir ou qu’il a pu se faire décrire par une tierce personne.
Par ailleurs, ce qui permet de relier le codex de Pray au linceul de Turin, ce sont principalement les trous dessinés sur le linceul, qui correspondent de façon quasi-parfaite aux trous de brûlures si caractéristiques du linceul de Turin et qu’on peut dater avec certitude à une époque précédant l’incendie de 1532 à Chambéry.
Et puis, il y a d’autres indices un peu moins équivoques qui permettent de le relier au linceul et/ou à la tradition des « epitaphios » : il y a d’abord l’ange qui désigne aux femmes le linceul vide. Puis, il y a la trame du tissu qui est si caractéristique du linceul de Turin et qui se retrouve sur ce dessin du Codex de Pray et sur certains « epitaphios ». Il y a aussi ces croix rouges sur le linceul du Codex de Pray et que l’on retrouve également sur beaucoup « d’epitaphios ». Ici, il peut s’agir également d’une doublure qui cachait une partie de l’image.
Même s’il n’y a pas d’image du corps sur cette partie du dessin, un indice permet de voir que le corps ensanglanté y a bien été déposé, puisque sous le pied gauche de l’ange on trouve deux traces de sang.
On sait que les tâches de sang sur le linceul de Turin ont traversé sur la partie sans image. L’artiste, ou une tierce personne, a donc très bien pu voir ces traces de sang sans voir l’image du corps.
Quoiqu’il en soit, ce codex de Pray constitue une preuve solide qu’en cette fin de XIIe siècle, il y avait bien un linceul portant des traces de sang. Ceci peut également faire écho au discours de 944, où il est question d’une relique du Christ imprégnée de son sang.
Enfin, avec ce dessin, on comprend bien que l’on ne pouvait pas confondre un linceul funéraire de plus de 4m de long avec un simple linge pour le visage comme le Mandylion, puisque sur le linceul du Codex de Pray, on peut voir le suaire qui avait été utilisé auparavant sur le visage du Christ.
Nous pouvons donc suivre depuis le VIIe siècle, la vénération d’un linceul du Christ à Jérusalem et constater aussi la présence de tissu assez long pour contenir l’image entière du corps du Christ, parfois même tachés de sang. Un tissu semblable sera ensuite vénéré à Constantinople sur l’autel de Sainte Sophie. Ce tissu inspirera peut-être l’iconographie de la mise au tombeau du Christ qu’on retrouve, entre autre, sur les « epitaphios » et dans les dessins du Codex de Pray. Cependant, il n’est pas possible de dire si tous ces témoignages anciens parlent d’un seul et même tissu et certifier qu’il s’agisse du linceul conservé actuellement à Turin.
Nous avons démontré qu'une lecture critique des textes qui parlent de l’image d'Édesse et qui prend en compte le contexte historique et religieux de l'écriture de l'histoire d'Abgar d’où est issue cette image, permet de comprendre que cette dernière a été fort probablement inventée pour appuyer les dogmes de l'Église et, du même coup, contrer les nombreuses hérésies défendues par diverses sectes chrétiennes. On a pu voir que l’image d'Édesse changeait de nature à chaque nouveau dogme promulgué.
Inexistante quand la légende d'Abgar fut inventé à Édesse aux alentours du IIIe siècle, elle est introduite à la légende au début du Ve siècle en tant que portrait peint pour confirmer le dogme de l'incarnation, puis elle sera très utile à l'Église d'Edesse dans son enseignement et sa défense du dogme des deux natures du Christ, avant d'acquérir enfin le statut d'image miraculeuse « non faite de main d'homme » ayant un pouvoir protecteur pour celui qui la possède.
De plus, que ce soit dans son iconographie ou dans la légende d'Abgar, l'image d'Edesse a toujours été considéré comme un tissu d’assez faible dimension et ne pouvant afficher que le visage du Christ, tandis que les quelques allusions à un corps entier ne sont que de rares textes isolés qui servent à chaque fois une théologie de circonstance.
La piste des « epitaphios », même si elle ne permet pas de faire remonter le linceul de Turin avant le Xe siècle, permet néanmoins d'être claire et simple, car elle respecte la vraie nature du linceul, c'est-à-dire celle d’un linceul mortuaire.
Avec une approche critique et historique des textes, tenant compte des circonstances d’écritures de chacun d’eux d’un point de vue politique et surtout religieux, nous pensons que le Mandylion et le linceul de Turin sont deux reliques différentes.
Cependant les preuves sont nombreuses pour affirmer que le linceul de Turin a été l’une des nombreuses reliques présentes à Constantinople avant le XIIIe siècle.
Pour lire la version complète de cette étude dans un livre de 400 pages d'analyse historique, dirigez-vous vers cette page.
Sébastien Cataldo
Tous droits réservés.
Pour aller encore plus loin...
Le guide ultime sur l'histoire du linceul de Turin
Noté 4,5/5 par les lecteurs d'Amazon
Des origines du christianisme au récit des légendes.
Derrière ce titre un brin provocateur se cache l'étude historique la plus complète à ce jour sur le saint suaire de Turin et son histoire ancienne.
Prenant comme point de départ, la légende du roi Abgar qui reçu de l’un des 70 apôtres le suaire de Jésus où était imprimé sa sainte Face, cette étude fait le point sur les différentes « Églises » des premiers siècles, et l’évolution de cette légende au fil des siècles dans la région d’Édesse et de Constantinople jusqu’à la IVe croisade.
Du suaire de Jésus au linceul de Turin ?
Des reliques du Christ, aux batailles théologiques des premiers temps de l’église, jusqu’au récit des pèlerins sur les trésors fabuleux de Constantinople, découvrez à travers un texte passionnant et extrêmement fouillé si le linceul de Turin peut être qualifié de 5e évangile, celui de la Passion !
version IMPRIMÉE à 29,99€
Amazon - DECITRE... et en commande en librairie
version EBOOK à 6,99€
Corrigée et mise à jour.
Noté 4,5/5 par les lecteurs d'Amazon
LE livre qui est devenu rapidement une référence dans le monde du linceul.
Comment comprendre les contradictions qui existent entre une centaine d'année d'études qui toutes convergent vers un seul homme, Jésus de Nazareth, et le résultat du carbone 14 qui évalue la date du tissage du linceul entre 1260 et 1390 ap. J.-C. ? Récemment, la science a fait une découverte qui a tout simplement changé la donne et pourrait changer l'histoire du linceul. Ce livre aborde de manière claire, précise et objective les deux questions que tout le monde se pose : le linceul de Turin pourrait-il être finalement le linceul du Christ ? Que nous dit l'image fantomatique qui y est inscrite : phénomère naturel, faux ou résurrection ?
PAPIER : 19,99€ - Amazon ... et en commande en librairie
EBOOK : 5,99€ - Amazon - Fnac - Kobo... et sur les librairies en ligne
Lisez les autres articles en relation avec l'histoire du linceul :
- Le manuscrit du Codex de Pray
- L'iconographie du visage du Christ
- L'histoire certaine du linceul
- Les Evangiles parlent du linceul
- Othon de la Roche et le linceul
A propos du site
Le linceul de Turin ou Saint Suaire est un objet archéologique fascinant, qu’il soit un vrai linceul ayant recouvert le corps de Jésus de Nazareth ou qu’il ait été créé par l’homme pour représenter la Passion et la mort du Christ. Mais comme toutes les « reliques », ce tissu et cette image opposent les croyants que les sceptiques. Ce site, les conférences et les livres qui sont proposés par l’auteur sont là pour faire la différence entre croyance et science, démêler le vrai du faux et dépassionner les débats en ne proposant que l’approche scientifique du sujet. Même s’il est possible de faire de ce linge le rapprochement avec le linceul du Christ pour un croyant, il n’en reste pas moins que c’est la science et l’histoire qui pourront confirmer ou non l’authenticité du linceul de Turin. Enfin, même si la science continue d’affirmer que ce linceul n’est pas celui de Jésus de Nazareth, car il ne faut pas oublier qu’il peut toujours s’agir d’un « vrai » linceul ayant contenu le corps ensanglanté d’un homme quelque soit son époque, il n’en reste pas moins que l’étude de son histoire et le mode de « fabrication » de son image restent des recherches passionnantes et constituent l’essentiel des propos de l’auteur. Quelle que soit l’issue de cette « histoire », l’auteur proposera d’étudier ce linceul comme tout autre objet archéologique d’un point de vue historique et scientifique pour comprendre comment il a été « fabriqué ».
www.linceul-turin.com - Copyright © Tous droits réservés Sébastien Cataldo 2008-2022 - Mentions légales - Contact - CGV - Affiliation
Site créé et hébergé en France